La gestion du patrimoine des équipements de la route s'invite au Sénat

Ce lundi 11 mars 2019, le SER a été accueilli au Sénat afin d'y présenter les résultats du sondage réalisé avec l'IFOP « Quels moyens pour une gestion plus efficace du patrimoine des équipements de la route ? ».

Des résultats qui ont permis de dresser un premier état des lieux des connaissances, outils et des difficultés dans la gestion des équipements de la route dont les départements et les communes françaises ont la responsabilité. En outre, cette enquête s'insère avec pertinence dans le cadre de la mission d’information sur la sécurité des ponts menée par la commission d'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat et visant à savoir si les collectivités territoriales disposent des capacités techniques et budgétaires suffisantes pour assurer l'entretien de leurs ouvrages.

Le Président du Syndicat des équipements de la route, Aly Adham, a ouvert la matinée, placée sous le thème de la gestion du patrimoine des équipements de la route en rappelant son importance : un enjeu de société à part entière, « synonyme de routes plus praticables et de déplacements plus sûrs ». Aly Adham a insisté sur le rôle de représentation de la profession qui incombe aujourd'hui au SER, mais aussi « d'élaboration et de partage d'une connaissance technique probablement parmi les meilleures au monde si l'on se base sur le niveau de performance du patrimoine routier français et sur les succès de l'exportation de son modèle à l'étranger ».

Rappelant les circonstances tragiques de l'accident de Gênes au cours de l'été 2018, qui ont douloureusement mis en lumière l’importance de l'entretien des infrastructures routières, le Président du SER a réitéré son vœu de voir émerger une politique cohérente, ambitieuse et durable pour l'entretien et la modernisation du patrimoine routier et de ses équipements. Une politique à laquelle le SER entend apporter sa pleine contribution tout en promouvant « une sanctuarisation de l'entretien, au service de la sécurité des usagers de la route ».

Des résultats de l'enquête réalisée en collaboration avec l'IFOP auprès d'un panel de collectivités territoriales (communes et départements), Aly Adham estime « qu'il en ressort une gestion à deux vitesses, laissant à penser qu'il existe un véritable besoin de cohérence et d'harmonisation dans ce domaine. Si demain les routes françaises devront être en mesure d'accueillir de nouvelles mobilités, elles doivent aujourd'hui répondre aux exigences de nos concitoyens et cela avec la même efficacité, quel que soit le type de réseau ».

Des résultats d'enquête révélateurs de disparités territoriales

Conduite au cours du mois de janvier 2019, cette enquête a été réalisée sous forme d'interviews téléphoniques et par questionnaires en ligne auprès de responsables techniques (directeurs généraux des services, directeurs en charge de la voirie, des transports, etc) au sein d'une centaine de conseils départementaux d'une part, et d'une centaine de mairies d'autre part, en France métropolitaine.

Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et Stratégies d’Entreprise de l'IFOP en a présenté les principaux enseignements. Parmi les plus notables :

  • Le lien essentiel dressé entre équipements de la route et sécurité routière (constat partagé par 93% des personnes interrogées au niveau départemental et 98% au sein des communes) ;
  • L’existence d’un budget fléché pour les équipements dans 81% des conseils départementaux et 72% des mairies.
  • Une connaissance variable des équipements : 29% des départements interrogés ont déclaré qu'un inventaire était en cours et 45% qu'il avait été réalisé il y a moins de 2 ans. Quant aux mairies interrogées, 13% ont déclaré que cet inventaire était en cours, 17% qu'il avait été fait il y a moins de 2 ans, 20% entre 2 et 5 ans, 28% il y a plus de 5 ans quand 22% d'entre elles ont répondu qu'elles ne savaient pas.
  • Des audits rares : 54% des départements déclarent en avoir effectué un depuis le dernier inventaire et 21% des communes.
  • Des équipements inadaptés aux véhicules de demain : 68% des personnes interrogées dans les conseils départementaux tout comme dans les mairies considèrent que leur patrimoine d'équipements de la route n'est pas encore en mesure d'accueillir des véhicules à délégation de conduite partielle ou totale.
  • Un manque d’outils pour les mairies : 59% des mairies interrogées déclarent ne pas disposer d’outils suffisants et nécessaires pour surveiller le respect des normes et des certifications en matière d'équipements de la route.
  • Des solutions plébiscitées tant par les mairies que les départements : un kit de fiche de pratiques ; des guides de bon entretien des équipements livrés par les fournisseurs ; une meilleure information sur les équipements eux-mêmes (durée de vie notamment) ; un partage d'expériences entre les collectivités et la mise en commun des données ; une formation des agents à la gestion du patrimoine.

Une matinée placée sous le signe du dialogue

Le sénateur Frédéric Marchand (LREM), a pris la parole et insisté sur la complémentarité de cette étude du SER avec les travaux menés par la commission d'aménagement du territoire et du développement durable dont il assure la vice-présidence. « Au regard des premières auditions qui ont été menées depuis plusieurs mois, nous avons identifié une difficulté réelle quant à la connaissance du patrimoine routier pour de très nombreuses communes françaises ». « On voit aujourd'hui qu'il existe une absence de moyens réelle face à une volonté forte de mutualiser les compétences avec les départements qui ont impulsé une politique très volontariste en la matière ». Au-delà de l'approche curative généralement adoptée dans le cadre de la maintenance des équipements de la route, tout l'enjeu est de pouvoir réaliser des inventaires et un état des lieux précis de ce patrimoine, première étape à la mise en place d'une maintenance préventive voire prédictive. Enfin, « car il persiste des interrogations quant aux moyens financiers qui pourraient être affectés à cette maintenance, il est nécessaire de réfléchir à de nouvelles formes de mécaniques comptables », a conclu Frédéric Marchand.

Dans cet esprit de dialogue et de partage des compétences, se sont succédés à la tribune plusieurs interlocuteurs qui contribuent à répondre à cette problématique majeure de la gestion et de l'entretien du patrimoine des équipements de la route :

Tristan Hirel, représentant l'Institut Des Routes, des Rues et des Infrastructures pour la Mobilité (IDRRIM), a présenté les principaux axes de travail et missions de l'institut tout en insistant sur l'importance de la mutualisation des connaissances qu'il promeut en regroupant au sein de sa « communauté » aussi bien des donneurs d'ordres que des gestionnaires publics, entreprises et fournisseurs, l'ingénierie publique et privée, la recherche et formation ou encore des associations partenaires. Il est par ailleurs revenu sur la création de l'Observatoire National de la Route, en 2016, et dont la base de données s'est largement étoffée depuis : au total 65 départements y contribuent aujourd'hui. « Dans une démarche patrimoniale, tout l'enjeu est de passer d'une approche curative à une approche préventive afin de n'avoir de répondre à une dégradation progressive des infrastructures et ainsi limiter les coûts d'intervention sur le long terme » a-t-il insisté.

Pierre Vaiss, représentant la Délégation à la Sécurité Routière (DSR), a rappelé brièvement l'histoire de cette instance interministérielle qui, historiquement rattachée au ministère des Équipements avant de rejoindre l'Intérieur, a conservé sa « culture hybride (technique, ingénierie, …) en lien avec les autres composantes de la sécurité routière ». Si le champ comportemental reste fondamental pour la DSR, « nous nous intéressons également aux capacités et aux solutions techniques des véhicules, mais aussi aux infrastructures et à l'ensemble de leurs équipements associés », a-t-il précisé. Il a conclu en évoquant les divers travaux de la DSR, de l'édition de kits et de guides à destination des gestionnaires, le développement d'une application de signalement par les usagers de défauts sur les infrastructures routières ou encore sa démarche de promotion des mesures  décidées par le comité interministériel à la sécurité routière 2018 (comme les dispositifs de régulation dynamique des vitesses).

Michael Langlet, représentant la Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer, a détaillé la doctrine de la DGITM se basant sur plusieurs volets : la réglementation (qui consiste à édicter des niveaux de performances minimales que tous les gestionnaires d'infrastructures doivent respecter) ; les règles de l'art (soit l'ensemble des documents mis à disposition des gestionnaires pour leur permettre de concrétiser leur mission, de sécuriser leurs infrastructures et d'assurer la sécurité de leur personnel) ; la certification (s'imposant à l'ensemble des équipements mis sur le marché français afin de garantir leur haut niveau de performance tout en répondant à un véritable objectif de sécurité).

Dernier intervenant de cette matinée, le sénateur François Grosdidier (LR) a tenu a salué l'initiative du SER et sa contribution aux travaux menés par la commission sénatoriale. Notant l'importance du secteur des équipements de la route au regard de la révolution des transports qui se joue aujourd'hui mais aussi des demandes et préoccupations nouvelles des usagers comme des collectivités (notamment le développement de l'offre de transport collectif), il a lui aussi insisté sur la nécessité de faire émerger « un dialogue renforcé entre tous les spécialistes, ceux de l'État comme les représentants du secteur privé, mais aussi les collectivités et gestionnaires d'infrastructures routières ». Il déplore lui aussi les contraintes budgétaires auxquelles doivent faire face de plus en plus de communes et dont bien souvent, la première variable d'ajustement est celle des crédits d'entretien des bâtiments et des infrastructures routières. « Paradoxalement, plus les élus manifestent le besoin et la volonté de réaliser des investissements nouveaux dans ce secteur, plus les crédits diminuent et la marge de manœuvre budgétaire se réduit. La question du patrimoine routier et de son entretien est devenue une priorité ».

 

Cette matinée d’échanges et de restitution des résultats du sondage réalisé par l’IFOP constitue une première étape dans le travail entamé en collaboration avec les associations d’élus et les ministères de tutelle de la route. Si le constat d'une gestion mieux harmonisée et la nécessité de mutualiser outils et expériences semblent aujourd'hui partagés, le SER souhaite à présent engager l'ensemble des parties prenantes dans la définition d'objectifs communs. Le premier d'entre eux : mieux encadrer et surtout sanctuariser la gestion du patrimoine des équipements de la route.