Une crise de l’acier qui va perdurer

Février 2022 - Le Syndicat des Equipements de la Route alerte les donneurs d’ordre sur la crise des matières premières qui met en péril les fabricants et poseurs de dispositifs de retenue routiers et appelle à un dialogue constructif.

Les équipementiers de la route dans la tourmente

Depuis octobre 2020, la filière des fabricants et installateurs de dispositifs de retenue routiers est violemment impactée par la hausse brutale du coût des matières premières, celle de l’acier (coil laminé à chaud) en particulier.

Le prix de la tonne de bobine laminée à chaud utilisée pour fabriquer les glissières de sécurité a en effet doublé en janvier 2022 par rapport à la situation d’avant-crise ; et rappelons même qu’en novembre dernier, celui-ci avait triplé. Aujourd’hui, le coût de l’acier se stabilise sur ce plateau haut, ce qui représente pour les industriels un doublement du prix de leur matière première.

A cette augmentation de prix s’est greffé un phénomène de pénurie.

En 2020, face à la crise mondiale liée au COVID-19, Arcelor Mittal, principal aciériste européen, a coupé ses hauts fourneaux. Leur redémarrage programmé en mai 2021 a été retardé de deux mois, vu le manque de visibilité quant aux besoins précis de ses clients.

Or la reprise économique post-confinement a été beaucoup plus soutenue que prévu, notamment en Asie. Après la fermeture de six de ses aciéries jugées trop polluantes, la Chine a décidé de limiter ses exportations pour faire face à la demande intérieure. De leur côté, les USA continuent d’importer massivement sur les marchés occidentaux. Quant à l’Europe, elle subit aujourd’hui le contre-coup de la crise de l’acier des années 2000 qui a entraîné la fermeture de plusieurs hauts fourneaux. En l’espace de cinq ans, la production européenne a enregistré une baisse de 30% (soit 22 millions de tonnes annuelles).

Des ventes à perte

La conjonction de la pandémie de COVID-19 et de cette pénurie mondiale a considérablement allongé les délais de livraison de l’acier et entraîné les cours à la hausse.

Grosses consommatrices d’acier, les entreprises de fourniture et pose de dispositifs de retenue ont été frappées de plein fouet. L’acier brut représente en effet 80 à 85% du coût d’achat par l’entreprise d’une glissière.

La galvanisation à chaud, elle, pèse pour 10 à 15% du coût. Or ce poste a également subi les fortes hausses du prix du zinc  ( + 50% en un an sur le London Metal Exchange) et de l’énergie nécessaire  pour chauffer les fours à 450°.

Dans ce contexte, les entreprises ayant passé des marchés pluriannuels avant 2020  se trouvent  étranglées par la hausse erratique de leurs coûts de production. Sauf à vendre à perte, elles ne peuvent honorer ces marchés aux prix négociés avant la crise. Déjà fragilisées par la baisse d’activité liée à la crise sanitaire, nombre d’entre elles rencontrent aujourd’hui des difficultés de trésorerie.

Des garde-fous juridiques existent

Le Code de la Commande Publique prévoit « qu’un marché peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence dans les conditions prévues par voie réglementaire, lorsque [….] les modifications sont rendues nécessaires par des circonstances imprévues ».

Par ailleurs le juge administratif accepte, lors de difficultés rencontrées par les fournisseurs dans les fluctuations des prix, de faire application de la théorie de l’imprévision.

Celle-ci nécessite que les évènements affectant l’exécution du contrat :

  • Soient Imprévisibles : ce peut être des phénomènes naturels, ou circonstances économiques qui ne sont raisonnablement pas prévisibles.
  • Soient extérieurs aux parties liées.
  • Ne doivent pas être irrésistibles auquel cas ils seraient alors qualifiés de force majeure.
  • Bouleversent substantiellement l’économie du contrat , ce qui est le cas dans ce dossier.
  • Soient temporaires. Ce dernier critère s’applique ici, même si l’issue de la crise n’est pas prévisible.

L’appui de Bercy

En mai 2021, le ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance a publié un communiqué appuyant cette démarche. Il demande « aux acheteurs publics de l’Etat dans les contrats de la commande publique en cours d’exécution :
de veiller, au cas par cas, à ne pas appliquer de pénalités lorsque les retards de livraison sont liés à l’envolée des matières premières,
et quand cela est possible, d’accorder des reports de délais et de réfléchir, au cas par cas, aux autres mesures d’exécution qui permettraient d’apporter une réponse à cette situation.
Les ministres invitent les collectivités locales et les établissements publics, locaux comme nationaux à faire de même. »

Les entreprises de la filière appellent les collectivités locales et les sociétés d’autoroute à engager le dialogue afin de les aider à traverser cette crise sans précédent.

Souhaitant ardemment conserver leurs marchés et les mener à leur terme, elles proposent une nouvelle formule de fonctionnement qui durerait le temps de la crise et permettrait d’adapter le barème de prix aux hausses du prix des matières premières.

Les modalités de calcul peuvent prendre diverses formes :

  • Soit une augmentation sur les prix unitaires, sur présentation des justificatifs du prix d’achat de l’acier.
  • Soit une facture complémentaire jointe à chaque livraison ou une facture complémentaire trimestrielle. Les prix natifs étant alors conservés, un forfait est facturé sur la partie fournitures de matières premières.

Une autre piste consiste à publier un nouveau catalogue de prix afin d’intégrer les derniers cours de l’acier.

En complément – sans se substituer aux points précédents -,une dernière piste consiste, si ce n’est pas le cas, à modifier l’indice de révision du marché en utilisant les deux nouveaux index INSEE, qui ont vu le jour en 2019: le DRR01 (Fourniture de dispositifs de retenue de route) et le DRR02 (fourniture et pose de dispositifs de retenue de route). Elaborés à partir des cours de la ferraille sur les marchés mondiaux, ces deux index rendent compte du coût global de la pose et de la fourniture de dispositifs de retenue en zone inter-urbaine, en milieu urbain et sur autoroute. Reflets de l’évolution du cout réel des matériels et ressources utilisés dans les glissières, ils constituent une source d’information fiable à laquelle se référer.

Même si ces deux index accusent un décalage de quelques semaines par rapport aux cours du marché, ils reflètent avec précision les tendances haussières du prix des matières premières.

De quoi engager la négociation sur des bases réelles. 

Soucieux de trouver une solution équilibrée pour tous, les entrepreneurs de la filière appellent de leurs vœux un dialogue constructif avec leurs clients, afin de trouver une issue à cette crise sans précédent et qui devrait perdurer.

Contacts presse :

Julien VICK – Délégué Général (06 80 96 77 48)

Adeline CALVAT – Chargée de mission Partenariats et Communication (06 44 13 45 45)