Feux tricolores : Pour une utilisation rationnelle et intelligente en faveur de la mobilité de tous

Paris, le 12 octobre 2017 - Depuis la décision de certaines villes d'expérimenter l'abandon des feux rouges dans leur agglomération, les feux de signalisation semblent devenus le mauvais allié de la sécurité routière. En plus d'être accidentogènes, ils nuiraient par ailleurs à l'environnement et à la bonne santé de nos budgets publics. A l'occasion de la Journée Nationale de la Sécurité Routière, six acteurs de la mobilité ont souhaité apporter une vision plus nuancée sur leur rôle dans la mobilité et la sécurité des usagers. 

1-Les feux tricolores seraient responsables de 10.000 accidents par an en France et 1.500 blessés hospitalisés et quelques 150 tués

->Ces chiffres méritent d'être remis en perspective.

Julien Vick, Délégué Général du Syndicat des Equipements de la Route : « D'abord, ces statistiques s'expliquent par le fait que les axes régulés par des feux de signalisation sont les plus fréquentés et donc les plus touchés par les accidents de la circulation. Ces chiffres ne disent rien sur le nombre d'accidents que ces carrefours auraient pu provoquer s'ils n'avaient pas été protégés par des feux de signalisation. Enfin, pointant uniquement les carrefours équipés de feux tricolores, aucune étude comparative n'a été menée sur l'accidentalité globale des carrefours en France, autrement dit le nombre et la gravité des accidents qui se sont produits dans les zones de « cédez le passage » ou dans les carrefours à ronds-points ».

->Ce ne sont pas les feux qui sont responsables des accidents de circulation : c'est le non-respect des feux par l'usager (et donc son comportement) au carrefour.

Marc Bertrand, Chargé de mission sécurité routière à la Fédération Française des Motards en Colère : « En matière de sécurité routière, et en deux-roues en particulier, la vigilance reste primordiale. Non seulement il faut respecter les règles, mais il faut surtout s'assurer aussi que les autres les respectent aussi. C'est pareil pour les piétons où les comportements normatifs sont prédominants : si vous avez un groupe de piétons qui s'apprête à traverser au feu vert parce qu'il n'y a personne, les 10 personnes qui attendent vont traverser. Tout le monde fait comme les autres. La seule personne qui ne traversera pas parce qu'elle attend son tour se sentira isolée, parce que le réflexe est de traverser. Il faudrait profiter de ce débat pour mieux comprendre les comportements « automatiques » des usagers qui se déplacent dans un environnement urbain avec des véhicules ».

2-Du côté écologique, les feux tricolores favoriseraient aussi la congestion du trafic et donc la pollution, obligeant les automobilistes à avoir une vitesse irrégulière et une conduite saccadée.

Julien Vick, Délégué Général du Syndicat des Equipements de la Route : « Nous pensons plutôt que les feux tricolores permettent une meilleure régulation du trafic, surtout lorsqu'elle est traitée en « onde verte » c'est-à-dire par des flux réguliers à vitesse constante. Synchronisé avec le rythme de passage des feux au vert sur toute la partie de l'axe de circulation régulé de cette manière, l'automobiliste génère moins d'arrêts intempestifs et donc de pollution ».

3-Les conducteurs seraient moins attentifs et prudents lorsque des panneaux et des feux tricolores balisent leur trajet.

->Les feux tricolores restent souvent pour certaines catégories d'usagers plus vulnérables un moyen de pouvoir se déplacer  en sécurité  dans l'environnement urbain : les piétons (jeunes et moins jeunes), les malvoyants ou encore les personnes à mobilité réduite.

Thierry Jammes, Vice-président de la Fédération des aveugles de France : « La suppression des feux tricolores va couper les déficients visuels du monde de la voirie. Sans feux de circulation, qui plus est, pourvus de dispositifs sonores ou tactiles, ceux-ci ne peuvent pas interpréter le danger qui arrive. De manière générale l'arrivée des zones 30 et des zones de rencontres ont fait que ces personnes ont déménagé, parce qu'elles ne maîtrisaient plus leur environnement ».

-> En matière de sécurité routière, comme dans d'autres domaines, il n'y a de vérité que dans l'expérimentation. Ainsi, plutôt que de penser la route de manière globale, il s'agirait plutôt de considérer les situations au cas par cas, selon les territoires, les axes routiers, la densité et les conditions de trafic, et/ou selon la configuration de la voirie urbaine. De repenser et favoriser une utilisation rationnelle et intelligente de tous les équipements de la route.

Marc Bertrand, Chargé de mission sécurité routière à la Fédération Française des Motards en Colère : « Tout dépend du contexte, des usages, du type de voierie. Ainsi, ils s'avèrent utiles sur des gros axes structurants qui vont couper les petites voies ou lorsqu'ils sont associés à la sécurité des transports en commun (bus, tramways, etc.) ».

Jean-Paul Lechevalier, Président de l'association Les Droits du piéton : « On peut certes supprimer les feux tricolores dans des endroits comme les zones de rencontres ou les zones de circulation peu denses en matière de circulation mais pas dans des autoroutes urbaines ou dans des lieux avec deux ou trois voies de circulation, comme c'est très souvent le cas à Neuilly ou à Paris ».

Fabien Masson, Directeur du Comité d'Action Deux Roues 67 : « Il y a certains carrefours où les feux pourraient très bien être enlevés. Il y a en revanche d'autres carrefours, comme par exemple sur les axes structurants, où ils sont indispensables. Et, enfin, il y a des carrefours où ils sont indispensables mais peuvent être associés à des solutions pour fluidifier la circulation des usagers en mode actif (piétons, cyclistes) : des boucles de détection piétons-cyclistes (qui, en fonction du flux, vont favoriser le passage des piétons ou des cyclistes), des « tourne à droite » (qui permettent aux cyclistes de tourner à droite et de traverser un carrefour lorsque le feu est rouge pour les voitures et donc d'améliorer le flux vélo), ou des  « temps de décompte ». Il y a d'ailleurs des études qui sont menées actuellement à Strasbourg - ville vélo par excellence avec 560 km de pistes cyclables - où l'on s'aperçoit qu'avec des temps de décompte aux feux, les piétons et les cyclistes les respectent beaucoup plus. D'ailleurs si on regarde les expérimentations qui ont lieu, toujours à Strasbourg depuis 3-4 ans, on note une diminution de l'accidentologie que ce soit piétons et ou cyclistes avec la présence de ces feux. Donc c'est bien le fait que ces expérimentations sont bénéfiques à tous les modes ».

Céline Genzwurker-Kastner, Directrice Juridique et des Politiques Publiques de l'Automobile Club Association : « La sécurité routière est un enjeu trop important pour raisonner sur des solutions systématiques ou généralisées. En tant que défenseurs de la mobilité pour tous, nous sommes ouverts à l'idée d'expérimentations dès lors qu'elles sont pensées en concertation avec les représentants des usagers et qu'elles font l'objet d'une évaluation permettant d'établir leur impact bénéfique sur la mobilité et la sécurité routière. Les systèmes de gestion du trafic en temps réel consistant par exemple en une signalisation variable sont des pistes d'amélioration de la mobilité urbaine mais qui doivent notamment tenir compte de la configuration spécifique des lieux, du trafic etc.

La perspective des véhicules déjà connectés et progressivement autonomes va considérablement révolutionner nos habitudes de mobilité et va aussi redessiner notre environnement et ses aménagements. Pensons dès aujourd'hui nos métropoles comme des "smart cities". Ce défi suppose de dépasser tout dogmatisme, dont sont encore souvent empreintes les politiques de déplacements, reposant toujours sur le même concept clivant qui oppose les « bons » et les « mauvais » modes de déplacements. L'action conjointe et transverse de tous les acteurs de la mobilité (pouvoirs publics, représentants des usagers, aménageurs routiers et urbains....) est absolument nécessaire pour garantir une cohabitation apaisée entre tous les usagers et une mobilité durable, plurielle et intermodale pour tous ».

4-La solution alternative serait de remplacer la majorité des feux de signalisation par des carrefours giratoires, par ailleurs pensés comme étant moins onéreux.

->Envisageable dans certains cas, elle est difficilement applicable partout comme cela peut être le cas de cœurs de villes aux rues étroites (Marseille, etc.). Quant au coût global, la sécurisation d'un carrefour standard avec des feux tricolores nécessite un budget d'environ 40.000 euros (fourniture et pose du matériel), alors qu'il faut plus du double ou du triple de ce budget pour un carrefour giratoire. Ce budget reste raisonnable  comparé aux couts  d'investissements et d'entretien d'un giratoire.

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